Ouest France – Jeudi 14 mai 2009
Breton et Français : la double identité affirmée
Un sondage, réalisé pour le compte du CNRS, révèle que les Bretons sont aussi attachés à leur identité régionale que nationale. Fort, le sentiment d'appartenance européenne reste encore en retrait.
L'Europe est aussi celle des Régions. La Fondation européenne pour la Science a mené, dans quinze régions de la Communauté, une grande enquête sur le thème de la « Citoyenneté régionale ». Dans le cadre de cette étude universitaire, trois Régions françaises, l'Ile-de-France, l'Alsace et la Bretagne ont été passées au crible des scientifiques.
En France, c'est au CNRS qu'a été confié le chantier. Plus précisément au laboratoire Crape (Centre de recherches sur l'action politique en Europe), dirigé par Romain Pasquier, professeur de sciences politiques à Rennes. Pour mener à bien cette étude, le labo de « Sciences po » Rennes s'est appuyé sur une enquête d'opinion, réalisée du 25 février au 6 mars 2008, auprès d'un échantillon de 900 personnes dans les quatre départements de la Bretagne administrative. Aurélie Schess, ingénieure CNRS à la Maison des sciences de l'homme de Bretagne, a dépouillé les données.
Une double appartenance
94,3 % des personnes interrogées se disent très attachées (65,2 %) ou assez attachées (29,1 %) à la Bretagne. Elles sont presque aussi nombreuses, s'agissant de la France : 91,1 % se disent très attachées (49 %) ou assez attachées (42,1 %).
« La Bretagne est véritablement la terre de l'identité duale, bretonne et française, note Romain Pasquier. De ce point de vue, le match de football samedi soir au Stade de France, devant une foule de Bretons, en est la parfaite illustration. Depuis la finale de la Coupe du monde, la Marseillaise n'avait pas été aussi bien chantée ! » Une autre leçon du sondage : « L'identité est duale, régionale et nationale, mais elle est aussi ouverte et pacifique. Même s'il est encore un peu plus lâche, le sentiment européen est bien présent » note le chercheur. 67 % des sondés se disent très attachés ou assez attachés à l'Europe.
Un cas très particulier
Les citoyens à se sentir exclusivement Français ou exclusivement Bretons sont ultra-minoritaires. 9,3 % dans un cas. 1,5 % dans l'autre. Cette donnée fait de la Bretagne un cas très particulier en Europe. « Au Pays de Galles ou en Catalogne, de 15 % à 20 % des habitants se sentent plus Gallois que Brittaniques, plus Catalans qu'Espagnols ». Ceci peut probablement expliquer la difficulté historique des partis politiques régionaux à percer dans les urnes. « C'est clair, en l'absence de groupe à identité exclusive, il n'y a pas d'espace, pas de vivier électoral pour un répertoire ethno-régionaliste ».
Un terrain d'expérimentation
Autres réalités importantes révélées par ce sondage, l'attachement des Bretons à leur institution régionale et leur forte aspiration à gérer davantage leurs propres affaires. « Ce modèle spécifique de société régionale, offrirait un formidable terrain d'expériences de décentralisation, sans risque identitaire, compte tenu de l'attachement à la nation » assure Romain Pasquier.
Jean-Laurent Bras